Problèmes inhérents au modèle auteur-titre

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Christian Vandendorpe, professeur émérite à l’Université d’Ottawa, montre que ce mode de référencement est fort malcommode quand les références sont nombreuses :

Le livre savant a dû mettre au point divers procédés afin d’éviter que, dans la citation de ses sources, il ne soit amené à répéter sans cesse les mêmes informations, infligeant ainsi de pénibles pertes de temps aux lecteurs. Le procédé le plus ancien a été de donner la référence complète lors du premier renvoi et de se contenter par la suite de l’abréviation latine op. cit. (pour opere citato : dans l’ouvrage cité). Cette façon de faire est valide et efficace tant que le lecteur procède à une lecture minutieuse et attentive, en suivant rigoureusement le fil du texte. Mais quiconque aborde un ouvrage de manière sélective, à partir de l’index ou de la table des matières, tombera inévitablement sur un op. cit. non référencé dans sa mémoire et qui l’obligera à retourner dix ou vingt pages en arrière, parfois plus, avant de pouvoir identifier l’ouvrage dont il est question. Dans un contexte de lecture extensive comme le nôtre, cette vénérable méthode de renvoi revient à contrôler le lecteur en lui imposant un parcours linéaire et d’injustifiables pertes de temps. Résidu fossile du discours oral, ce procédé est donc beaucoup plus proche de la culture du volumen que de celle du codex. On ne peut s’en expliquer la persistance, dans les milieux savants, qui par le conservatisme inhérent aux activités de haute culture.

Vandendorpe, Christian. 1999.
Du papyrus à l’hypertexte : Essai sur les mutations du texte et de la lecture, p. 163-164.
Montréal : Boréal.

Le modèle de référencement de type auteur-titre est encore très utilisé dans certains milieux d’édition et dans certaines revues scientifiques. Il est également dominant dans la francophonie européenne. Sa prévalence, en dépit de la complexité de l’appareil de notes, repose sur des usages et des traditions éditoriales qui résistent au temps. Les textes de sciences humaines, qui prenaient traditionnellement la forme d’essais ou de gloses savantes plutôt que d’études appliquées, s’appuyaient donc sur un nombre un peu plus restreint de références qu’en sciences fondamentales ou qu’en sciences sociales. Ce peut expliquer, en partie, la pérennité du modèle auteur-titre, et donc des notes de référence, dans certains milieux scientifiques.

Le modèle auteur-titre pose trois problèmes majeurs.

  • Avec les notes de références —ou, autrement dit, les références bibliographiques en note— les lecteurs doivent constamment faire des allers retours entre corps de texte et les notes. (Si les notes sont en bas de page, les problème n’est pas très important. Si les notes sont en fin de section ou en fin d’ouvrage, en revanche, les allers-retours deviennent fastidieux.)
  • Il est parfois difficile de retrouver les références complètes, surtout si l’ouvrage ne contient pas de bibliographie. Les éditeurs recourent à des abréviations latines (ibid., idem, op. cit., loc. cit.) quand un même extrait, un même auteur, un même ouvrage sont mentionnés plusieurs fois de suite. Dans les éditions un peu anciennes, il est parfois difficile de s’y retrouver. Par ailleurs, les règles qui président à l’usage de ces abréviations varient d’un éditeur à l’autre. Ainsi, loc. cit., réservé aux chapitres d’ouvrages collectifs, est-il rarement utilisé. Les rédacteurs lui préfèrent op. cit., normalement réservés aux articles de revues. Le cas d’op. cit. est symptomatique. Les rédacteurs scrupuleux l’utilisent deux, cinq, dix fois, même lorsque l’appareil de notes comprend plus d’une centaine de notes de référence. Les lecteurs doivent parfois chercher longtemps avant de retrouver la référence exacte.
  • Le référencement bibliographique dans les notes exige un travail d’édition considérable et méticuleux. Les couper- ou copier-collers augmentent considérablement le risque de faire des erreurs (doublons, oublis, inversions, etc.).
  • Ce mode de référencement permet d’opter, au choix, pour des notes de référence sans bibliographie, ou des notes de référence avec bibliographie. La première formule est réservée le plus souvent aux articles ou aux chapitres d’ouvrages collectifs. Pour les textes un peu plus longs, les rédacteurs fournissent, en plus des références en note de bas de page, une bibliographie qui, le plus souvent, est conçue comme une liste de sources importantes —et non comme une liste de sources citées. Autrement dit, la bibliographie n’inclut pas toujours tous les ouvrages cités ou, au contraire, peut inclure des ouvrages qui n’ont pas été cités.

 
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