La notion même de critique recoupe de nos jours deux significations principales. D’une part, suivant la tradition philosophique, elle consiste en un travail d’interprétation déductif et méthodique, qui vise à dégager des vérités fondamentales sur un sujet ou un phénomène donné. D’autre part, dans la tradition littéraire et artistique moderne, elle consiste à porter un jugement personnel sur une œuvre, un objet, un produit, etc. En un sens, elle aspire aussi à révéler une vérité fondamentale, mais la démarche est résolument différente de la première acception. En effet, cette forme de critique ne découle pas d’une interprétation logique systématique, mais d’un ensemble de valeurs personnelles, esthétiques ou politiques, voire d’un système idéologique ou d’une ligne éditoriale imposée. C’est plutôt de cette tradition que relève la critique cinématographique, telle qu’on l’entend aujourd’hui, qui est historiquement liée à la cinéphilie. La première acception correspond davantage à ce qu’on entend aujourd’hui par la « théorie cinématographique », abordée plus bas.
Comme le disent Jacques Aumont et Michel Marie, le critique cinématographique a une « double fonction d’information et d’évaluation » : « Il existe un large éventail de modalités d’écriture, du critique de quotidien dont la fonction informative est primordiale, au critique de mensuel spécialisé, dont l’intervention est plus proche du critique d’art et de l’analyste de l’œuvre » (2001, p. 45). Le champ couvert par ce type de discours est donc très vaste en qualité et en nature, allant de la simple appréciation « gustative », pour reprendre les termes de Gilbert Cohen-Séat, caractéristique de bon nombre de critiques de films dans les quotidiens, à l’analyse de fond telle que l’ont pratiquée certains grands critiques comme André Bazin, Serge Daney ou Robin Wood. [Mettre hyperliens]
Quelle que soit sa teneur, et même si un jugement n’y est pas explicitement formulé, la critique a un caractère éminemment subjectif. Bien sûr, la subjectivité n’est pas absente du discours historique et théorique, mais c’est dans le discours critique qu’elle trouve sa raison d’être. C’est d’ailleurs précisément cet angle subjectif – le point de vue personnel de tel ou telle critique – qui fait l’intérêt d’une critique.
À cet égard, la critique de cinéma est une activité fondamentalement cinéphilique, au sens où elle cherche à défendre, directement ou pas, une certaine idée du cinéma. À ce titre, la critique de cinéma s’est d’abord développée en marge des activités des premiers cinéclubs des années 1920 puis dans les revues spécialisées, avant de gagner la plupart des médias de masse dans les années 1950. Aujourd’hui, la critique cinématographique prolifère dans Internet comme nulle part ailleurs, entre autres par le biais des innombrables blogues et balados consacrés au cinéma.
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