La théorie

Pour Francesco Casetti, la théorie se définit comme « un ensemble de thèses, plus ou moins organisé, plus ou moins explicite, plus ou moins contraignant, qui sert de référence à un groupe de chercheurs pour comprendre et expliquer en quoi consiste [un] phénomène » (2005, p. 7). De façon plus précise, la théorie du cinéma regroupe un vaste ensemble d’idées qui cherchent à expliquer certaines caractéristiques fondamentales du cinéma – essence, langage, formes, idéologie, etc. – en offrant des outils conceptuels et méthodologiques adaptés à leur compréhension.

Bien que la théorie imprègne bon nombre de discours sur le cinéma dès les années 1910 – Hugo Munsterberg, Louis Delluc, Jean Epstein, Sergei Eisenstein, etc. – c’est avec l’avènement de la filmologie dans les années 1950 que s’échafaudent les premières tentatives globales et systématiques de théorisation du cinéma, souvent à l’instigation de spécialistes issus d’autres champs disciplinaires. Des spécialistes issus de la psychologie expérimentale, de l’histoire de l’art, de la philosophie, des sciences économiques, se sont tout à coup intéressés au cinéma et à son impact sur la société en apportant leurs propres outils méthodologiques, leurs propres grilles de lecture. Toutefois, le cinéma se voit souvent assujetti à l’appareillage théorique employé et devient, pour ainsi dire, le « faire valoir » de diverses approches disciplinaires bien établies. La psychanalyse et la sémiologie ont joué un rôle un rôle décisif dans l’émergence de théories « endogènes » aux études cinématographiques, contribuant par là-même à consolider ce nouveau domaine de recherche universitaire. Les travaux fondateurs de Christian Metz dans les années 1960-70 sont, à ce titre, représentatifs de la spécialisation des outils théoriques conçues à des fins d’analyse.

Après s’être développée parallèlement aux grandes traditions intellectuelles de l’époque – la sémio-linguistique, la psychanalyse et le poststructuralisme, mais aussi certains de leurs prolongements, comme la narratologie, le féminisme, la théorie du dispositif, etc. – avant de se disséminer et de se spécialiser en une multitude d’approches. Sa première vocation essentialiste et généraliste a cédé progressivement le pas à des approches plus précises, plus prospectives, plus empiriques, cherchant davantage à analyser le cinéma dans sa spécificité plutôt que de le définir dans sa globalité.

Aujourd’hui, la théorie du cinéma « pure et dure » a déserté la plupart des revues critiques et se développe surtout dans les milieux universitaires et les publications savantes. Des trois types de discours en études cinématographiques, la théorie est sans doute le plus hermétique, le moins accessible au grand public, et s’adresse principalement à un lectorat d’initiés.
 
◄ L’histoire Perméabilité des discours en études cinématographiques ►